Respirations Blanches

Corpus de peintures à l’huile et technique mixte dans ces toiles de lumières blanches. Ici la légèreté, l'aérien puis il ne reste que le blanc, il finit par nous regarder. Ces dernières toiles épurées sont une façon d'honorer ce monde végétal. Dans ce monde d'air, de terre, d'eau, et sous le feu du soleil, de couleur, de texture, de temps cyclique, il y a cette puissance de vie, source inépuisable pour l'artiste. Par un geste répétitif, en travaillant une couleur blanche qui contient toutes les autres, ces toiles créent un espace de mouvement et de méditation, peut-être une levée des voiles.Puis les ondes à peine colorées ressurgissent .


Les Respirations Blanches ouvrent un chapitre de dialogue inter-culturel entre Albane Roux et l'Inde, pays où elle se rend à plusieurs reprises entre 2020 et 2023. La lecture des Upanishads, textes sacrés indiens, inspire ses plus récentes recherches. Ici le texte écrit par Pablo Schellinger accompagne l'exposition des œuvres :

 

 

I.              En Occident – et peut-être ailleurs, les configurations politiques, culturelles, sociales et artistiques du monde contemporain raffermissent le constat d’une multitude d’individualismes. Cette multitude tient en partie de la croyance en l’individu singularisé par accomplissement égotique ou narcissique ; cette croyance accentue l’illusion dans laquelle il se croit différencié et séparé des autres.

 

II.             Les Upanishads constituent un corpus de textes indiens issus d’une tradition orale, datant pour la plupart d’entre le VIIIème et le IIIème siècle avant notre ère. Ils s’inscrivent dans une période de crise sociale et religieuse, et sont prononcés par des sages ou des poètes dont le statut hiérarchique ne relève pas de l’élite sociale des Brahmanes – ceux qui détiennent historiquement le savoir et qui ont le devoir de le transmettre. Ces textes discutent de l’artifice social et rituel de la religion védique, et engage l’individu à se libérer des conditionnements qui le condamnent à vivre sous l’emprise d’une approche illusoire, irréelle et dualiste du monde.

 

III.            Le dialogue ouvert entre les êtres humains exige de considérer la richesse des disparités culturelles. Toute pratique autorisée par un dialogue ouvert entre les continents suppose de tenir compte de l’interprétation en laquelle ladite pratique consiste. L’interprétation artistique et spirituelle s’inscrit dans une vision universaliste du monde, qui exclue la spoliation et la hiérarchie des contenus culturels, au sens large. L’interprétation est ouverte, et sans discrimination. L’interprétation des textes anciens extra-occidentaux, tout comme la création picturale, implique un cheminement spirituel, un élan vers l’Autre.

 

IV.           Le blanc est une couleur qui recouvre une diversité de significations et de symboles. Il est la vie et la mort, il est le neutre et la lumière, il est le tout et le rien, il est le un et le multiple. Il est ce vers quoi le tout peut tendre, ce vers quoi l’être en chemin se dirige. Il est une couleur une, et multiple, en cela que les blancs ne peuvent être révélés et distingués qu’à partir des autres ; de telle sorte ainsi que le un ne peut être défini que par rapport au multiple.

 

V.             Le peintre est l’être humain peignant, il est geste, il est médium. La toile est la matière, elle est médium. L’espace et le temps sont incorporés à la création, ils sont médiums. Le pinceau et le pigment sont les outils, ils sont médiums. L’acte de peindre est co-déterminé par ces médiums. Il est un abandon, il est un renoncement, il est un chemin indéfini, sans nom, vers un état indéfini, sans nom, absolu, sans dualité, sans illusion.

 

VI.           Celui qui regarde, celui qui témoigne, celui qui traverse, est aussi celui qui est regardé, celui qui est témoigné, celui qui est traversé. Le sensible incorpore l’invisible, jusqu’au renoncement. Le renoncement est ce qui fait apparaître. Tout devient visible. Le un et le multiple. Le microcosme et le macrocosme.

 

VII.        Ce qui est laissé à l’agir est ce qui apparaît. La réalité, la non-dualité ; elles sont cette lumière grâce à laquelle les blancs s’ajustent les uns par rapport aux autres. Ce qui apparaît est ce qui règle la vision. Ce qui apparaît est le Soi (Atman), ce qui anime l’être un et son multiple. Ce qui est, mais qui n’a pas d’âge, l’univers (Brahman), ce qui est sans nom. Ce qui apparaît.

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Albane Roux

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